Partons du postulat suivant : la vie est un voyage évolutif et l’humanité marche sur la voie de l’évolution. Sans entrer dans une vision darwinienne, nous pouvons essayer d’être ouverts à d’autres façons d’appréhender la chose. Disons que ce parcours vers d’autres formes plus évoluées de pensées, de compréhension et de créativité requiert des capacités qui sont cachées en nous. Comme beaucoup d’autres avant moi, je qualifierai cette forme d’évolution de consciente. Une évolution consciente, donc, implique l’acceptation, individuelle et collective, de notre responsabilité envers l’avenir. J’insiste ici sur l’importance de pensées et d’actions déterminées ; et d’un recours à nos capacités créatrices pour nous guider, nous et nos communautés. Imaginer un futur créatif, dynamique et positif, c’est faire un premier pas sur la voie de l’évolution consciente. D’abord, il faut faire ses propres choix ; ensuite y mettre l’intention et l’engagement nécessaires pour leur donner vie. Le cœur de l’évolution constitue une démarche spirituelle, dans le sens où elle affirme la capacité potentielle de chaque être humain à être acteur au sein du vivant. Cela donne également naissance à une nouvelle vision du monde, un nouveau paradigme de perceptions qui contemple le processus évolutif comme une petite partie du grand Tout. L’inverse – qui domine depuis bien trop longtemps – voudrait que l’humanité continue d’ignorer son rôle dans l’histoire de l’univers.

 

L’évolution consciente, c’est aussi un mouvement social très palpable, visant un niveau plus élevé de communication et d’action coopérative. Il s’agit d’une base collaborative qui permet le développement personnel et la compréhension de soi, la construction et l’accompagnement communautaires ; ainsi que des moyens pour la réalisation d’un changement social positif. De plus, l’évolution consciente sous-entend que chaque être humain, chaque chose, fait partie intégrale et indissociable de l’ensemble. Les nouvelles sciences de la physique quantique ont révélé que le concept de relation intégrale est une réalité ; et que tous les organismes vivants sont reliés énergétiquement au sein d’un même champ de partage d’informations et de création. En tant qu’espèce en constante évolution, nous sommes encouragés à travailler ensemble vers cette synergie, ou gestalt : où le tout est plus grand que la somme de ses parties, et donc, mène aux propriétés émergentes du collectif. Cependant, nous ne pouvons agir qu’en fonction de notre niveau de capacités et de connaissances. Personne ne peut nous dire ce qui est, ou ce qui doit être fait ; nous ne pouvons qu’être guidés jusqu’à ce que cette compréhension s’installe en nous. Alors, nous développerons un instinct naturel pour agir de façon adéquate et nous fondre dans la dynamique du Tout. Cependant, nous pouvons modifier nos pensées, actions et comportements par l’auto-observation. Nous pouvons apprendre à « vider notre tête » de ces systèmes de croyances archaïques et d’un tas de cochonneries, afin d’accueillir ces nouvelles pensées. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, nous apprenons souvent machinalement le geste sans y réfléchir. Nous devrions viser une assimilation consciente de l’information : apprendre comment apprendre, savoir comment savoir.

De la même manière, Pierre Teilhard de Chardin parle de l’âme collective et unifiée de l’humanité comme d’un «complot» d’individus qui conspirent ensemble pour évoluer vers une nouvelle étape de la vie. De Chardin a écrit sans relâche sur l’évolution continue vers l’esprit cosmique comme étant un devoir conscient caché, parfois oublié, au sein de l’humanité :

« En nous, l’évolution du monde vers l’esprit est devenue consciente. Notre perfection, notre intérêt, notre salut en tant qu’éléments ne peuvent alors dépendre que d’une poussée de l’évolution, et ce, de toutes nos forces. Nous pourrions ne pas comprendre exactement où cela va nous mener mais il est absurde de douter que l’issue sera autre que meilleure. »

[1]

 

Pour de Chardin, la problématique récurrente était de savoir comment l’humanité moderne pouvait organiser, entretenir et distribuer au mieux les énergies nécessaires à ce processus. Des conditions précises sont indispensables à la conservation et à l’utilisation des énergies. Pour ce qui est des systèmes vivants et afin de défier l’entropie, les organismes doivent absorber, stocker, utiliser et distribuer l’énergie. L’Homme et le cosmos étant deux exemples de systèmes vivants créatifs et dynamiques, ils n’échappent pas à ces règles. Le stockage et l’utilisation de nos énergies personnelles sont de la plus haute importance et devraient être un point central dans nos vies. Ce sera de plus en plus le cas au fur et à mesure que nous remarquerons que les nombreuses structures matérielles qui nous entourent se muent en fictions transparentes : notre système financier, la sécurité de l’emploi, les pensions, le système éducatif, etc. Il devient de plus en plus difficile de croire que ces structures vont continuer à satisfaire nos besoins. Ainsi, alors que notre barque cherche la terre ferme, les rames nous sont enlevées. Le jour où l’on trouvera cette terre fertile, ce sera grâce à nos propres efforts et la culture de cette terre n’en sera que plus satisfaisante. Plus les circonstances personnelles seront touchées par ces changements mondiaux, plus il sera essentiel que les gens « ouvrent les yeux » sur de nouvelles décisions et responsabilités. Après tout, les années à venir seront sans précédent. Tandis que ces changements physiques commencent à avoir une incidence gênante sur le bien être de chacun, de nouvelles voix s’élèvent pour demander de l’aide.

Ce n’est pas mon propos de débattre des paradigmes de pensée dominants en Occident : la théorie de l’évolution par la survie de Darwin ou le Créationnisme. Toutefois, je suggère qu’il pourrait bien y avoir un « plan » d’évolution qui permette le développement créatif des systèmes vivants mais également planétaires, solaires et galactiques : du micro au macro. Cependant, comme de nombreux changements se manifestent dans les systèmes sociaux et culturels, il est souhaitable que de plus en plus de gens comprennent que leur propre « soi en évolution » exige d’eux une participation consciente. Un travail soutenu sur soi-même, les autres et la communauté en garantira le résultat. Notre attitude et nos actes au sein de la communauté seront plus efficaces si nous comprenons notre complétude avec les cycles naturels et biologiques de la planète Terre ; et que l’univers vivant dont la terre fait partie correspond aussi au contexte et à l’environnement de notre réalité. En tant qu’historien, Thomas Berry a déclaré : « L’archétype du voyage universel peut désormais être appréhendé comme étant le parcours de chacun, car l’univers tout entier a été impliqué dans la formation de notre psyché individuelle comme de notre forme physique depuis ce premier instant fascinant où l’univers a émergé ».[2]

Un nouveau cadre est en train de jaillir : où chaque personne fait partie intégrante d’une vision plus large ; le parcours de chacun d’entre nous étant une partie du parcours entier. Une nouvelle trame est en train de s’écrire : les possibilités sont ouvertes pour que l’humanité s’investisse consciemment dans la création de son avenir ; en harmonie, en équilibre et en respect avec tous les systèmes. Cette nouvelle histoire humaine redonne un sens à nos vies et nous pousse à « ouvrir les yeux » sur cette formidable aventure, chaque matin et chaque instant.



[1] Chardin, T. d. (1974) Let Me Explain. London: Fontana.

[2] Berry T. (1999) The great Work: Our Way into the future. New York: Three Rivers Press

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Traduction réalisée par Jennifer Dureau  (contact : dureau.jennifer@gmail.com)