Je n’aurais jamais pensé me retrouver à regarder les Jeux Olympiques d’hiver à Sotchi en Russie. En effet, je ne suis pas vraiment le genre de personne qui s’intéresse au sport ; les sports d’hiver encore moins ! Pourtant, un soir en allumant la télévision, je suis tombé sur le patinage artistique à Sotchi. Je me suis dit que j’allais regarder quelques minutes en attendant que commence mon film. Mais, ces quelques minutes se sont transformées en heures. J’ai été époustouflé par l’élégance, le savoir-faire et l’habileté de ces patineurs, faisant preuve de finesse, de dévouement, de concentration et de beauté, choses auxquelles je n’avais jamais vraiment fait attention. J’ai donc aussi regardé les soirs suivants…et pas seulement le patinage mais aussi le ski acrobatique, le saut à ski, le ski alpin, le snowboard, le patinage de vitesse, le bobsleigh – la totale ! Pourtant, je ne suis toujours pas un fan de sport… Je me suis rendu compte que ce n’était pas tellement le sport – la compétition, la victoire, etc. – ce que je regardais mais bien toute autre chose. J’admirais plutôt comment l’être humain pouvait s’investir et ce dont il est capable à travers l’effort, le dévouement et l’implication. Pour moi, c’était la fête de l’être humain ; c’est-à-dire la célébration de ce que l’être humain peut accomplir lorsqu’il adopte une attitude juste. Et les résultats peuvent être vraiment impressionnants…

Bien sûr, j’ai lu certaines des critiques concernant les J.O. de Sotchi – en grande partie des coups de gueule contre le Président Poutine, les politiciens russes ou le comité d’organisation, etc. Mais, je considère que c’est passer à côté de l’essentiel. En effet, des centaines de personnes dévouées, venant du monde entier, se sont rassemblées dans un esprit de participation et de réussite. Beaucoup se seront entrainés ces deux dernières années uniquement pour cette occasion. C’est donc un évènement, au même titre que d’autres évènements ou rassemblements qui se produisent dans le monde et qui sont notre célébration, notre fête pour ainsi dire. Il est peut-être temps que nous le reconnaissions, et ce, avec une forte positivité. Pourquoi ? Parce que nos chaines de télévision sont chargées d’informations négatives qui nous montrent les pires aspects de la nature humaine, accompagnées des autres fléaux qui ont lieu à travers le monde. Certes, ces choses arrivent ; je suis même l’un des premiers à le dire. Mais ce que j’entends par là, c’est que en se focalisant sur les maux et malheurs, aidons-nous vraiment le développement de notre propre compréhension, de nos outils de progression ; l’affirmation d’un objectif valorisant ainsi que notre confiance en nous ? Alimentons-nous les meilleurs aspects de l’amour humain ? Si non, pourquoi donc ?

Nous pourrions penser que dans le monde tout est évident, que tout se trouve « sous nos yeux ». C’est là le résultat d’un style de vie matérialiste qui nous est en permanence servi au point de nous écraser sous le poids de sa présence. L’immédiateté de cette matérialité (matière-réalité) est si « frappe à l’œil » qu’elle attire constamment notre attention. Cependant, d’autres aspects de la vie ne sont pas si faciles à repérer. Il y a des moments où nous devons prendre des décisions en nous appuyant sur des preuves externes plutôt limitées. Alors que notre environnement socio-culturel aurait tendance à nous échauffer, notre monde intérieur, lui, aurait plutôt tendance à nous refroidir. Mais cela de façon positive et subtile et nous sommes obligés de le reconnaitre également. Parfois, il est difficile de déterminer quelle est la bonne chose à faire. Le philosophe Emmanuel Swedenborg conseillait vivement de faire quotidiennement « ce que l’on sait être bien ». En effet, ‘bien faire’ et ‘mal faire’ peuvent être similaires. C’est pour cela que nous devons compter sur nos propres outils de discernement. Et ces outils-là peuvent être plus ou moins polis, ou rouillés, en fonction de notre attitude vis-à-vis de nous-mêmes et de notre sens de la célébration du soi. Blaise Pascal, inventeur, écrivain et philosophe, l’a dit de cette manière :

« Il y a tout juste assez de lumière pour ceux qui veulent croire, et tout juste assez d’ombre pour ceux qui ne veulent pas croire. »

Pas besoin de se trouver des justifications…ça c’est facile : ce sont elles qui nous trouveront ! La vie est parfois trompeuse mais c’est bon. Tout dépend de si l’on reste bloqué sur ça et qu’on l’autorise à nous égarer volontairement par voie de distraction. Soyons honnêtes, nos environnements socio-culturels (la vie moderne) sont voués à nous distraire : il suffit de regarder l’état actuel de ce que l’on appelle la « démocratie ». Le critique social Herbert Marcuse a écrit : « la non-liberté démocratique, raisonnable, douce et confortable, prédomine chez les civilisations industrielles avancées – le gage du progrès technique ». Ainsi, afin de gérer et de jouer avec cette « non-liberté » (merci de remarquer que je n’ai pas dit « combattre ») et donc de la transformer en quelque chose d’utile, nous devons commencer par nous fêter.

Il nous faut observer le monde avec notre œil intérieur ; le percevoir à travers nos propres états intérieurs. C’est l’opposé de ce qui a l’air de trop souvent se passer: l’état des choses tente d’entrer en nous et de s’imposer face à notre état intérieur. Nous devons changer cette dynamique : plutôt que de laisser la distraction rentrer et décider de ce qui est, laissons notre célébration participer au monde en tant que source primaire. Le philosophe du 3e siècle Plotin a dit :

“J’aime voir et je crée à partir de la faculté de vision qui est en moi…je contemple à l’intérieur et les formes du monde matériel prennent vie en tombant de la noirceur de mon nid. »

Ainsi, Plotin nous parle de la considération intérieure profonde – ou contemplation. Il nous informe que nous sommes dans une période sombre, et que par conséquent les formes et les évènements du monde matériel aussi nous semblent sombres. Personne ne perçoit la même image du monde ; il en va de notre responsabilité individuelle. Pourtant si, comme Plotin, nous aimons ‘voir (de) l’intérieur’ (la célébration de soi) alors nous pouvons transformer ces « formes du monde matériel » de la même façon que nous nous transformons nous-mêmes.

Nous ne devrions pas laisser le présent nous distraire de cet “amour de voir” un futur meilleur, de ce « devoir d’amour », pour nous-mêmes et les générations à venir. Nous pouvons donc fêter les réussites positives de l’être humain. Je dirais même qu’il en va de notre « réponse-habileté » !

Traduction réalisée par Jennifer Dureau (dureau.jennifer@gmail.com)

PDF – Celebration of ourselves_FRCelebration of ourselves_FR